Première halte au manoir...

Juché en haut d'un escalier, les yeux fixés sur la belle inconnue, Sahagiel détaillait ses moindres mouvements, comme s'il souhaitait déterminer son caractère par un simple regard, une simple attention. En la voyant frôler avec délicatesse les murs, un petit sourire retroussa les coins de sa bouche ; ainsi l'Ange découvrait le manoir pour la première fois. Peut-être serait-il bienvenu de l'accueillir...

Quelques mètres plus bas, Rhadamante se déplaçait d'un pas souple derrière l'Ange. Les pupilles fendues de la panthère mémorisaient déjà les angles d'attaque, les échappatoires, supputaient les points faibles de la femme... car aucune erreur ne devait perturber la recontre, aussi fortuite et innocente soit-elle. Quand elle jugea l'être innofensive, du moins à première vue, elle émit un bas grognement, à mis-chemin entre le râle et l'avertissement. Sahagiel descendit de son perchoir.

- Bien le bonjour, mademoiselle ?

Comme la jeune femme stoppait net sa marche, il poursuivit d'un ton plus dégagé :

- Je me nomme Sahagiel, conseiller de Milo. Je peux peut-être vous aider ?

*elle a deviné ma présence... cette gamine est dangereuse, Saha, mets des gants si tu veux la dominer*

*pourquoi arracher une rose que l'on pourrait cueillir ?* Répliqua Sahagiel en se décollant du mur *les épines sont une protection des plus intéressantes*

Malgré son assurance, Sahagiel ressentit de toutes les fibres de son être le danger ; aussi se composa-t-il un une expression entendue accompagnée d'un petit sourire. Si cette demoiselle le perçait à jour, elle s'enferrerait dans un mur de glaces, elle le verrait encore sourire, droit et sans peur, en toutes situations. Peut-être n'était-ce que de l'esbroufe, mais il s'imposerait à elle d'une manière ou d'une autre...

Remisant sa froideur, Sahagiel soupira d'un air chagriné, mimant avec un luxe de sincérité l'affliction :

- Je ne te faisais pas suivre, belle demoiselle, mais en tant que conseiller, je conseille, j'observe et j'erre. Milo n'est pas disponible pour le moment, tu le dérangeras plutôt qu'autre chose. Pourquoi ne pas bavarder un moment ? Je ne t'ai jamais vu ici, et j'aimerai en apprendre plus sur toi...

"et plus j'en saurai, plus tu seras à ma mercie, belle enfant..."

Un infime instant, Sahagiel resista à l'envie de vider ses entrailles sur le sol. Qui était cette gamine pour s'adresser à lui avec si peu de déférence ?
Mais un battement de coeur plus tard, toute pulsion avait quitté son corps, au profit d'une simple surprise. Sans doute n'entendait-elle rien à son histoire, ses fonctions et ses responsabilités... décidément, beaucoup de peltastes ne lui accordaient pas l'aumône d'une attention ; il lui faudrait y remédier, auquel cas il recevrait la dîme de sa négligence : une perte d'autorité au sein des Anges Déchus.
Mais à l'évidence, personne ne se souciait du maintient de leur ordre, ils incarnaient des jalons, voués à consolider leurs hierarchie, voilà tout. De simples pions sur l'échiquer du pouvoir, pourquoi s'inquiéter d'eux ? Si la situation devenait ingérable, il n'aurait qu'à étouffer les voix discordantes, en prétextant une ou deux manigances politiques.

Sahagiel s'autorisa un vrai sourire ; il maîtrisait le jeu, même s'ils ne le comprenaient pas encore.

Après un signe à Rhadamante, Sahagiel emboîta le pas à l'Ange, marchant de concert avec elle tandis qu'il parlait :

- Le gamin est occupé, ce qui signifie qu'il reçoit seulement dans ses appartements privés, où tu ne mettras pas de si tôt les pieds, belle enfant. A moins que tu ne soudoies les gardes de sa prison dorée ; avec ces vêtements et ce port de taille, tu devrais y parvenir sans trop de peine.

Il accompagna cette recommandation d'un sourire hautain, curieux de savoir comment elle réagirait face à son ironie.

- Joli sabre, termina-t-il d'un ton glaçant. Tu sais t'en servir au moins ? A moins qu'il ne serve à embellir ton apparence ?

Akihara souria à l'entente de cette réponse. Sahagiel était à la hauteur de ses espérances. Enfin un homme qui ne craquait pas dès la premier regard. Une satisfaction tout à fait admirable qui fit naître en elle une certaine admiration pour l'homme. Soit.

- Sache que j'ai d'autres cordes à mon arc. A moins que tu n'essaies de me connaître qu'en regardant mon apparence! Alors dit moi, si j'étais venu tel une de ces gitanes, aurais-tu penser la même de moi?

Elle le sentait peu à peu s'approcher mais elle réussit à garder bonne distance afin de ne pas lui dévoiler son visage.
Elle aimait ce jeu dans lequel les deux jouaient. Il ne connaissait pas son apparence, tout comme elle. Lequel des deux craquera en premier?

Elle se contenta de serrer l'arme dans sa main. Sa présence...

- Tu ne verras pas sa lame. Mais sache que je sais la manier à la perfection... mais même si tu m'attaquais maintenant, je n'aurais pas à la sortir.

*le jeu ne fait que commencer...*

Sahagiel ne put contenir un rire narquois. Elle ? Le vaincre en combat singulier ? Mesurait-elle seulement l'absurdité de ses propos ?

- Belle enfant, prends garde qu'un ciseau ne coupe pas les cordes de ton arc...

Lui suggérer par mots couverts son insolence semblait le plus réfléchi ; cette inconsciente ne méritait pas d'entamer son temps... D'ailleurs, pourquoi restait-il là, à enfiler les couloirs à ses côtés ? Sa propre mégarde lui fit froncer les sourcils, à première vue, l'attitude rétive de l'Ange réveillait en lui un sentiment étouffé. Curiosité ? Amusement ?

- Si tu avais été une gitane, reprit-il avec dérision, j'aurai songé à une esclave, une catin lascive ou une femme cherchant la présence active d'un homme. En voyant ta silhouette se profiler dans le couloir, je me suis plutôt demandé quel malheur t'avait porté sur mon chemin. Mais n'en sois pas vexée, hmm ?

Le ton de sa voix démentait merveilleusement ses paroles. il souhaitait la piquer, la repousser dans ses retranchements pour dévoiler son être. Maintenant, il sentait l'excitation suppurer de son corps comme d'une plaie infectée. Il savait ce sentiment malvenu, dangereux, pourtant le mystère dont s'attifait la femme l'intriguait. Ennemie ou Amie ? Jusqu'où pourrait-elle pousser le jeu ?

De mieux en mieux, elle lui commandait maintenant de se calmer. Comme s'il dansait la sarabande dans le couloir...

- Très chère, mes pulsions meurtrières m'ont peut-être assujeti une seconde, cependant tu n'en vaux pas la peine, pour le moment. Quant à te connaître...en quoi ton vécu m'intéresserait-il ?

A cette réponse, il lui décocha son plus beau sourire puis l'observa à la dérobée. Vue de dos, elle s'embellissait grâce à des courbes gracieuses, élancées et visiblement fuselées par l'exercice ; avec un sourire matois, il songea qu'elle devait échauffer bien des hommes. Ce ne serait pas son cas, il s'en était fait la promesse. Cette pensée traversait son esprit quand il s'interrogea sur son apparence : quel effet produisait-il ? Oh, la gente féminine ne cessait de flagorner sur sa prestance ou son charisme, mais il ne prêtait pas attention à ces balivernes de ribaudes.

"C'est stupide"

Soudain, une question se forma sur ses lèvres :

- Pourquoi veux-tu rencontrer Milo ?

Sahagiel leva les yeux au ciel, cette gamine ignorait bien des choses sur le manoir, et sur son organisation hiérarchique.

- Je vais t'éclairer un peu, belle enfant. Malgré son jeune âge, Milo est loin d'être aussi niais et enfantin que tu ne sembles le croire. Je ne souhaite pas réaliser une dithyrambe, mais il est exceptionnellement doué, sans doute plus intelligent que toi, tout en gardant sa modestie -il fit sonner se dernier mot d'un ton réprobateur-. Son influence s'étend peu ou proue sur tous les continents ; il a rassemblé une armée, rallié des milliers de personnes à sa cause, Anges déchus ou issus d'autres races. Tu ne devrais pas parler de lui sans le connaître, cela ne fait que souligner ton ignorance.

Il s'interrompit un moment, mâchant ses mots avec soin, puis continua :

- Plus rapide que moi ? J'en doute, mes ailes noires ont affleuré bien des cieux, belle enfant.

Ceci enoncé, il déploya dans un brusque mouvement d'air ses ailes, immenses, moirées par milles couleurs et oxydées par endroit de vert, comme si des éclats d'emeraudes se mêlaient aux plumes...
D'un essort, il se souleva de terre pour atterir un pas plus loin, le souffle ainsi soulevé ébourrifant la chevelure de l'Ange.

- Nous sommes assortis, cheveux noirs et plumes noires, remarqua-t-il distraitement. Pourquoi ne pas me regarder quand tu t'adresses à moi ? Tu ne me juges pas digne d'apprécier tes traits ? ou bien dissimules-tu quelque-chose ?

Sahagiel la soupçonnait plutôt de se cacher par jeu, ou par crainte de devoiler une partie de son âme en lui offrant son visage, mais il se perdit pas en conjonctures et attendit sa réponse.

- Tu as envie de te faire ta propre opinion, pourtant tu le qualifiais il y a un instant d'enfant, un qualicatif pour le moins péjoratif, n'est-ce pas ? Tu te contredis, belle enfant. Nerveuse ?

Sahagiel prenait un malin plaisir à tourner en dérision ses paroles, mais ne s'appesantit pas sur la réponse. Le fait qu'elle mentionne ses ailes noires aussi...positivement, alors que la plupart de ses compairs y voyait une tare, le touchait. Il n'aurait su dire pourquoi, mais il reconsidéra son jugement sur l'Ange Déchue ; un instant auparavant, il la considérait comme une gamine orgueilleuse, or un autre aspect de sa personnalité se dévoilait, à son dépit. Elle ne s'en rendait peut-être pas compte mais chacune de ses réponses lui fournissait quantité de détails sur son caractère, sa façon d'être et de paraître. Derrière se désintéressement feint, il percevait autre chose... une douleur ?

- Oui, il pique ma curiosité, j'aime envisager les personnes avec qui je discute. Je me fais déjà une idée de toi, mais elle n'approche pas parfaitement la vérité, et je déteste me baser sur des spéculations. Tu ne veux pas jouer la facilité, dis-tu, mais me pousserais-tu à utiliser la force, pour que je puisse te voir enfin ?

Comme il parlait, Sahagiel n'avait cessé de se rapprocher dans son dos, sa respiration allant jusqu'à effleurer les premières mèches de sa chevelure.

- Ca ne servirait à rien, j'abhore utiliser la force de cette manière, pour obtenir des choses qui ne sont pas miennes. Préserve ton visage si tu le souhaites, je ne te forcerai pas.

Soudain, Sahagiel s'arrêta.

- Tu ne trouveras pas Milo, il part dans quelques heures rencontrer les émissaires des autres peuples, par diplomatie. Je l'accompagne, d'ailleurs, mais c'est sans importance pour toi... Souhaites-tu que je te laisse ?

Sa question avait été brusque, mais il sentait depuis tout à l'heure qu'il importunait l'Ange Déchue, or il ne souhaitait imposer sa présence à personne, surtout pas à une femme. Il s'apprêtait à se retourner et lâcha dans un soupir :

-Tu peux trouver cela stupide, mais j'espérais que tu ressemblerais à Asyliana.

Ses paroles glacées réveillèrent en lui une vieille rancoeur, qu’il pensait éteinte mais lovée comme à demeure en son sein. Un battement de cœur plus tard, il fit volte face pour saisir par la gorge l’Ange. Cette femme, comment osait-elle évoquer ce souvenir avec un tel détachement ? Comment osait-elle raviver la flamme d’une blessure profonde, encore si présente dans son esprit.
Il ramena en arrière son poings mais ne l’abattit pas, retenant à grande peine sa rage. Il exhalait de fureur mais ne s’abandonna pas à ses pulsions primaires, tout juste bonne à conduire un homme au trépas. Des années auravant, il s’était fait le serment de ne plus penser à elle, nul ne devait connaître sa faiblesse, fût-ce son plus cher ami. Mais il commit cette faute, là, sans le vouloir, ses pensées dérivèrent sur le lie de ses souvenirs, l’échouant près d’Asyliana, près de son corps glacial et sans vie. En commentant cette erreur, il oublia de préserver son masque d’impassibilité : la colère puis le désespoir déferlèrent en lui, le submergèrent et Elle, y sombrant aussi, cessa de piller son esprit pour regagner l’écueil des morts.
Presque tremblant, il s’éloigna de l’Ange ; seule une retenue mal placée l’avait empêché de terminer son geste, mais dans sa tête, elle méritait ce traitement ; elle méritait encore pire.

- J’ai essayé de me montrer courtois, je ne dois pas être fait pour la compagnie des femmes. Nous devrions nous séparer avant que les choses ne prennent un tournant dangereux, avant que l’un de nous ne perde son contrôle. Je t’ai demandé, tout à l’heure, de ne pas parler sans connaître les personnes, tu as recommencé, tu n’aurais pas dû. Ce n’était pas un amour futile ; les morts ne nous quittent jamais, je pensais que tu le saurais, je me suis trompé sur ton compte.

Sa compassion, presque sa pitié, était aux antipodes de son humeur noire et c’est d’un œil revêche qu’il volta dans sa direction. Sur son visage gracieux, il reconnut les cicatrices laissées par la perte d’un être cher, des cicatrices qui rendaient vulnérables, mais aussi fort, d’une certaine manière ; connaissait-elle cette douleur ?

Mais la façon dont elle le regarda, l’espace d’une seconde, bouta le feu de son désarroi : il ne voulait pas de sa compréhension, il ne voulait partager son fardeau ou comparer son souvenir avec elle. Toute quiétude avait quitté son cœur ; un moment parfait comme un coquillage lustré gisait maintenant en miettes à ses pieds.

Il garda les yeux clos un moment, puis lâcha dans un soupir :

- Tu as la même forme des yeux, étirés en amandes, comme deux gemmes ôtées de leurs sertissures. Et la même courbe du menton, long et harmonieux. Maintenant, puis-je me retirer ou me faut-il une autorisation ? Tu trouveras la chambre de Milo au second étage, la troisième porte de l’aile ouest. Si tu ne trouves pas, demande aux nombreux gardes qui sillonnent les corridors.

Une volute d'émotions étreignait ses pensées et l'asphixiait presque. Le souffle lui manquait, le monde et les couleurs tourbillonaient autour de lui dans une explosion de couleurs ; tous ses souvenirs, toutes ses paroles surgissaient en lui, grondaient dans ses veines sans jamais se retirer. Une douleur, aussi bien psychologique qye physique, lui déchirait le coeur quand il s'appuya contre un mur, le coeur tonnant, martelant sa pointrine comme une masse d'arme. Mais il recouvra son calme, lentement d'abord, puis avec plus de fermeté. L'idée de s'humilier devant une inconnue lui était insupportable.

Il tremblait intérieurement, car malgré tous ses efforts, le miasme des songes lacérait son corps pour mettre à nue ses émotions. Il résisterait, comme d'habitude. Avec étonnement, il songea qu'il se retrouvait en position de faiblesse ; un sourire d'autodérision fendit ses trais... S'il avait su, il aurait sans doute refusé de guider la jeune femme, dans quel état le retrouverait-on, maintenant ?

Il s'exhorta à la patience pour se composer un visage serein, ôté du plus petit plissement :

- Non, tu ne savais pas, j'ai eu tort de m'emporter ainsi, de faire étalage de mon impulsivité. C'était stupide de ma part. Ses souvenirs constituent un fardeau lourd à porter, aussi bien dans ses instants de bonheur que de malheur. Les conséquences furent terribles, et évoquer son nom a abaissé mes murailles intérieures. Mais tu ne pouvais pas savoir, toi-même, tu caches une douleur, je le lis sur ton visage. Je ne sais pas quelle femme tu souhaites cacher derrière ta froideur et ton arrogance, mais tu devrais laisser tomber le masque. Tu n'as rien à prouver ici. Pourquoi ne s'attacher à personne ? Que crains-tu ?

Une nouvelle fois, il tourna les talons ; si elle souhaitait le retenir, libre à elle de le faire, sinon, ils se quitteraient sur ces mots...

Quel songe le tourmentait maintenant ? Cette Ange tentait de le fréter avec ses belles paroles, ses gestes lents et ses sourires sibyllins. Mais elle ne parviendrait jamais à faire naître le désir en lui ; pas à cause de son passé, seulement elle ne représentait pas vraiment son idéal féminin. Il aurait pu s’en satisfaire une nuit, mais guère plus : lui aussi savait jouer avec les femmes, quand sa passion débridée l’y conduisait. Elle parlait, toujours, sans cesser d’entraver sa marche… Ne se tairait-elle jamais ?

Il en avait assez entendu pour la journée, demain, il devrait organiser diverses rencontres, sécuriser puis planifier les voyages officiels, convoquer les héraults, les généraux avant de distribuer ses ordres. Tout complot nourrirait le terreau de la guerre, aussi devrait-il juguler les rebelles au plus tôt. Ses pensées le menaient déjà sur le champs de bataille lorsqu’elle se tint devant lui, le fixant de ses yeux rouges. Qu’avait-elle dit déjà ? Ah oui, l’antiemme récurrente, illusions de liberté ; se complaisait-elle vraiment dans ses rêves ? Ne mesurait-elle pas l’absurdité de ses propos ? Le jour où elle prendrait conscience de sa propre ignorence, où elle serait confrontée à la dure réalité, peut-être repenserait-elle à sa mise en garde. Elle n’était pas libre, elle ne le serait jamais, elle appartenait tout entière à son peuple et servait ses desseins, mais elle ne l’entendait pas encore. Bientôt, les rouages de la politique refermeront leurs mains de glaces sur elle ; oh, elle souffrirait sans doute, du moins au début, mais elle apprendrait à se plier aux ordres, si elle souhaitait perdurer au manoir. Dans le cas contraire, il devrait la tuer, car aucune voix dissidente ne s’éléverait jamais contre Milo ou lui…

Sahagiel poussa un soupir, toutes ses pensées fracassaient son crâne depuis un moment :

- Prends un appartement dans le manoir, et essaye de te lier aux autres, ils t’apprendront comment évoluer ici. Je n’ai plus de temps à t’accorder ; si tu souhaites me rencontrer à nouveau, fais toi annoncer à mes appartements, au second étage, j’y répondrai peut-être.

Il parlait d’un ton sans réplique, signifiant la fin de leur rencontre. Un pion avançait, et il abattrait bien ses cartes…

Il s’éloigna dans le couloir sans lui accorder l’aumône d’un regard.

- Je n'ai pas besoin d'appartement dans ce manoir.

Douloureux. C'est le seul mot qui lui venait à l'esprit. C'est à ce moment là qu'elle réalisa qu'elle avait baissé trop sa garde, peut-être essayait-elle de s'attacher à lui malgré elle. Elle ne savait plus...

" Un visage comme le tient ne devrais pas dire de tels paroles"

Elle se souvenait de Lui, de ces paroles, de sa main frolant la sienne... Les larmes coulèrent sur ses joues sans raison apparente, devait-il en avoir une?

Elle prit son épée en main, et la sortit doucement de son fourreau. Sur la lame en crital noir, on pouvait remarquer quelques écritures gravées. Ses larmes tombèrent sur elle et glissèrent sur le minèral qui s'en umprénia alors. En quelques secondes, une phrase s'était inscrite à jamais. Une unique phrase...

*Cette épée... n'est qu'une suite de phrases...*

Des phrases qui réveillaient bien des souvenirs. Douloureux pour la plupart.. et puis, il y avait ces cris... Elle les entendait encore. Et ce sang...
Elle remit l'épée à sa place et tout s'arrêta.
Elle essuya discrètement ses larmes et reprit son calme.


- Je n'ai pas besoin d'un maître, je n'appartiens à personne. Je n'appartiendrais plus jamais à quelqu'un. Mon statut...
Elle mit sa main dans une de ses ailes et en arracha une plume d'une couleur originale: noir aux reflets bleus. Une plume étrange... Ses ailes étaient pourtant blanches.
Elle l'observa quelques instants, dans le calme. Soudain, la plume se raidit devenant aussi dévastatrice qu'une flèche pour un homme. Et elle se tourna vers Sahagiel. D'un geste vif, elle l'envoya dans le mur à côté de lui. Elle lui offrait en gage de... d'amitié? de promesse? de remerciement? Elle ne savait pas, elle voulait juste lui donner. Un souvenir sans doute. Ainsi plantée, la plume reprit sa douceur habituel, elle n'attendait rien d'autre qu'une libération de cette prison de pierre. Aucune parole n'accompagna ce présent.... Akihara se contenta de se plaquer contre le mur, et de se laisser glisser jusqu'au sol froid.

Qu'avait-elle fait...

" Pour ta gouverne, je ne suis pas un de tes pions, gente demoiselle. Tu n'es qu'une enfant se mesurant à un homme bien plus sage que toi. "



(NB: les phrases en bleus sont des souvenirs )