Quand la plume se figea entre les interstices de la pierre, joyeau ôté de sa sertissure, Sahagiel marqua une courte pause. Ses yeux posés sur le don improbable, il réfléchissait aux motivations de ce geste. La couleur de ses ailes le ramenait trop souvent à sa vie d'Ange et incarnait aux yeux des siens un stigmate, une tare ; pourquoi mettre en avant ses propres défauts ? Pour souligner leurs ressemblances physiques ?
Saha poussa un soupir, cette inconnue se révélait bien sybilline, jusqu'où pousserait-elle l'intrication des événements ? Quand bien même le nierait-il, leur rencontre fortuite puis leurs échanges indiquaient une volonté supérieure ; il n'avait jamais cru au destin, fadaise réservée aux Hommes, mais il laissa cette pensée dériver, grossir puis envahir son esprit. Pourquoi pas ?
Ramassant la plume pour la glisser dans sa sabretache, Sahagiel poursuivit la coursive sans faire mine de remarquer l'affaissement de la jeune femme, mais parvenu à l'embranchement du couloir, il lança :
- Pour ta gouverne, mes appartements sont assez grands pour deux. Si tu ne sais pas où aller, tu pourras prendre une chambre réservée à mes hôtes. Mais ne me prends pour l'un de tes pions, belle enfant, tu commettrais une erreur irréparable.
Et il disparut dans les ténèbres.